Lettre aux amis - Avent 2014
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Chers amis, chers hôtes, et vous qui nous suivez de loin,
Cette lettre vous arrive au début de l’Avent, ce temps qui renouvelle notre attente et accélère la venue du Seigneur Jésus Christ dans la gloire. Que ce temps soit pour nous tous une occasion de confirmer notre foi, de renforcer notre espérance et de dilater notre charité, afin que le Seigneur nous trouve prêts quand il nous rencontrera pour nous embrasser dans la grande communion du Royaume, la vie éternelle.
Dans cette lettre, je désire vous parler surtout de ce que la communauté a vécu au cours des premiers mois de l’année. Vous savez que toute communauté monastique dans l’Église poursuit un chemin sur lequel veille l’autorité ecclésiastique compétente, normalement l’évêque ordinaire du lieu pour les catholique. Mais vous pouvez imaginer qu’un regard et un jugement de la part d’autres, moines et moniales expérimentés et autorisés dans l’Église, est parfois nécessaire afin que la communauté ne vive jamais dans l’auto-complaisance, dans le repli sur elle-même, dans la référence à soi ou, pire encore, la dérive narcissique et sectaire. La sagesse de la tradition monastique a dès lors inventé et pratiqué la « visite canonique », dans laquelle un abbé et une abbesse d’autres monastères visitent une communauté, écoutent tous ses membres – de celui qui préside jusqu’au dernier novice –, inspectent les lieux, visitent les laboratoires, révisent les comptes économiques. En somme, une visite ponctuelle et précise, qui sache exprimer un jugement sur la communauté et indiquer les manques et les besoins.
Pour cette raison, même si Bose est une communauté nouvelle, qui n’appartient à aucun ordre ou congrégation, comme prieur j’ai voulu une visite fraternelle analogue pour notre communauté. Le père Michel Van Parys – ancien abbé de Chevetogne (Belgique) et désormais higoumène du monastère de Grottaferrata – et mère Anne-Emmanuelle Devêche, abbesse de Blauvac (France), que nous connaissions depuis des années à travers des visites et des échanges, ont été invités à accomplir une visite fraternelle. Nous avions fait examiner au préalable la situation économique de la communauté par deux réviseurs des comptes professionnels pour vérifier qu’ils soient corrects et adéquats. Puis, de janvier à mai, les visiteurs ont été présent plusieurs jours en communauté à Bose, ils ont séjourné dans les différentes fraternité, ils ont parlé et écouté, à plusieurs reprises parfois, tous les frères et toutes les sœurs, ils ont dialogué avec les autorités de la communauté (prieur, sous-prieur, responsable des sœurs) et avec les organes statutaires (discrétoire et conseil).
À la fin, ils ont rédigé et nous ont laissé une Charta visitationis qu’ils ont signée et que nous avons à notre tour fait suivre aux autorités compétentes et aux évêques des différents diocèse où se trouvent la communauté (Biella) et ses fraternités d’Ostuni (Brindisi-Ostuni), San Masseo (Assise), Cellole (Volterra) et Civitella San Paolo (Civita Castellana). Je suis et nous sommes extrêmement reconnaissants aux visiteurs pour le service qu’ils ont accompli sans hâte et avec une grande attention à chacun et à la communauté, et nous avons accueilli avec joie leur compte-rendu soigné.
Les visiteurs nous ont confirmé dans la vocation, ils nous ont « interprété » avec intelligence et honnête transparence, en mettant en évidence « la qualité évangélique de la vie vécue », les responsabilités de chacun pour les dons que le Seigneur a fait à la communauté, « des dons spirituels et humains que le Seigneur de l’Église a donné et continue d’accorder à la communauté », la gratitude unanime envers celui qui a commencé cette forme de vie, la communion entre les frères et les sœurs comme don à préserver, la qualité de laboratoire de communion entre les Églises aujourd’hui séparées…
Ils nous ont demandé de veiller sur l’usage de la parole en communauté, de confirmer la synodalité comme chemin d’élaboration du discernement communautaire, de prévoir dans nos nouveaux statuts une modalité adéquate pour ordonner le lien de communion entre la communauté de Bose et les quatre fraternités aujourd’hui existantes. Ils nous ont aussi donné des conseils sur le parcours de formation durant le noviciat et la probation, et ils nous ont exhorté à approfondir un discernement communautaire des vocations en vue de l’admission aux vœux monastiques.
Cette visite a certainement été une grâce et, pour moi qui ai voulu cette vie commune, également une grande joie, puisque le chemin parcouru jusque là a été confirmé comme étant évangélique, la vie commune reconnue comme exempte des tentations de sectarisme, d’autosuffisance, d’autoréférentialité ou d’autarchie spirituelle, l’exercice des différentes autorités en communauté comme non autoritaire mais transparent et synodal.
Le 8 décembre 2015 la communauté rappellera avec toute l’Église un anniversaire qui ne peut être oublié : la conclusion du concile Vatican II. Je commençais ce jour-là ma vie à Bose, où à l’automne 1968 m’ont rejoint les deux premiers frères et une sœur. La communauté devra donc chercher à vivre un souffle renouvelé dans la vie spirituelle, dans la suivance du Seigneur, dans la vie de communion… Chers amis, priez pour nous afin que, fidèles et persévérants dans la vocation et dans l’alliance établie avec Dieu et entre nous, nous devenions toujours plus humbles ; mieux encore, priez le Seigneur afin qu’il nous fasse connaître des humiliations si nous ne le devenons pas et qu’il nous accompagne de sa grande miséricorde dans notre tentative de vie chrétienne et humaine au sein de l’humanité tout entière que Dieu aime et qu’il a sauvée.
Comme je l’ai toujours dit, nous ne sommes que de pauvres chrétiens qui tentent de vivre l’Évangile et, comme le disait le grand Pachôme, « nous moines sommes de pauvres laïcs » dans l’Église, et rien d’autre.
fr. Enzo Bianchi, prieur de Bose
Bose, 30 novembre 2014 - Ier dimanche d'Avent