Œcuménisme et Évangile
Comme vous pouvez l’imaginer, tout ceci est pour notre communauté source de souffrance et, tout à la fois, occasion de conversion de nos pensées et de nos actions, de purification de notre œcuménisme comme méthode et comme contenu. Vaut-il vraiment la peine de continuer l’engagement œcuménique ? Quelle efficacité tout ce labeur porte-t-il ? Répondre à ces questions signifie en réalité s’en poser une autre, plus profonde et fondamentale : pourquoi cherchons-nous à vivre l’œcuménisme ? Au nom de qui et de quoi persévérons-nous résolument sur ce chemin, malgré tout ?
Ceux qui connaissent notre histoire savent que nous sommes nés comme communauté œcuménique non par choix délibéré ni par idéologie, mais par acceptation docile d’un dessein dont nous ne connaissions pas les contours précis, mais dont nous avions saisi les éléments évangéliques : vivre ensemble comme frères et sœurs appartenant à différentes confessions chrétiennes n’a pas été pour nous une option stratégique, une manière de nous différencier d’autres réalités, ni le fruit d’un plan élaboré en théorie, mais la réponse à la prière du Seigneur Jésus au Père : « Qu’ils soient un, afin que le monde croie » (Jn 17,21), une prière que nous avions perçue comme adressée à nous aussi lorsque les premiers membres se sont interrogés sur les fondements de leur vie commune dans le célibat. C’étaient les années où l’œcuménisme était une passion de pionniers, qui se faisaient souvent attaquer par leurs Églises d’appartenance ; et à Bose aussi, nous avons dû souffrir l’incompréhension et une longue hostilité pour ce choix. Puis sont venues les années du printemps du dialogue, amorcées par la présence prophétique d’observateurs non catholiques à Vatican II : une période bénie, qui a vus comblés en quelques décennies des fossés profonds, creusés par des siècles de division. Avoir pu vivre cette époque, pleinement conscients, est pour nous un motif de profonde et de constante reconnaissance envers les Seigneur. Mais cette route s’est progressivement enlisée, notamment parce que l’on n’est pas parvenu à tirer les conséquences concrètes, pastorales et institutionnelles, des convergences et des accords théologiques ni à donner continuité et solidité aux anticipations prophétiques. Et, comme toujours, l’impasse n’a pas tardé à se transformer en marche arrière : les peurs, les insécurités, les adversités ont fait penser qu’il était plus simple et moins risqué de se replier sur ce que l’on connaissait déjà, de serrer les rangs, de recompacter sa confession autour des certitudes du passé et des « richesses » confessionnelles non essentielles à la foi chrétienne...